La fabrique de Provence : quand les bâches publicitaires deviennent des créations uniques

J’arrive un matin à l’ESAT Saint-Jean, dans le 10ème arrondissement de Marseille. L’ESAT (Établissement et service d'aide par le travail), est une structure qui permet aux personnes en situation de handicap d'exercer une activité professionnelle. Je suis chaleureusement accueillie par Meriem Toledano ainsi que toute l’équipe de l’atelier de couture. Ici, tout le monde travaille main dans la main pour donner une seconde vie aux bâches en plastique utilisées pour l’événementiel. Meriem est responsable du secteur signalétique du département des Bouches-du-Rhône. Cela fait plus de 10 ans qu’elle commande des bâches imprimées pour toutes sortes de manifestations. Mais que deviennent ces bâches par la suite ?

Avant la création de la Fabrique de Provence, elles étaient tout simplement jetées. Meriem me raconte comment lui est venue cette idée vertueuse : “C’est lors d’un voyage à Cuba que j’ai observé tout ce que les habitants font avec le plastique. J’ai compris que ce matériau pouvait avoir plusieurs vies.” Son voyage a éveillé sa curiosité sur l’utilisation des déchets. Elle s’est alors lancée pour monter un marché public afin de transformer des bâches pas si éphémères que ça. La Fabrique de Provence est née.

Le concept de cette fabrique ? Utiliser des bâches, qui sont déjà issues du recyclage de bouteilles en plastique, pour leur donner de nouveaux usages. Une idée qui s'inscrit dans une démarche écoresponsable et d’économie sociale et solidaire. 

En effet, la Fabrique de Provence ne se contente pas de recréer des objets avec ce matériau, elle fait aussi travailler tout un atelier de couture. À l’ESAT Saint-Jean, une équipe d’une dizaine de passionnés de couture s’affaire à découper, nettoyer, assembler la matière, afin d’obtenir plein d’objets différents. Le design des objets est d’abord proposé par Meriem, puis il est mis en œuvre par toute l’équipe de l’ESAT. C’est ainsi qu’en une seule matinée, j’ai pu observer la transformation d’une bâche ayant servi pour un festival. Dans une ambiance aussi joyeuse que studieuse, plusieurs personnes ont travaillé sur la création d’un sac cabas, qui a vu le jour sous mes yeux. 

La conception du sac s’est faite en plusieurs étapes. Tout d'abord, Meriem a commencé par tracer les patrons sur la matière. “Le découpage ne se fait pas au hasard, il y a d’abord un souci esthétique, mais il faut aussi exploiter le maximum de chaque bâche” m’explique-t-elle. L'objectif étant de générer le moins de chutes possibles. Ensuite, Jeremy découpe avec la plus grande précision les gabarits dans la bâche. Ici, tout le monde sait qu’il faut faire appel à Jeremy pour des découpes parfaites ! Puis c’est au tour de Corinne, travailleuse à l’ESAT, de nettoyer la bâche sur son plan de travail. Enfin, Bastien récupère les morceaux découpés pour les coudre ensemble et créer un beau sac de plage. Chaque pièce créée dans cet atelier est unique.

Une fois finalisées, toutes les créations de la Fabrique de Provence sont vendues sur des stands dédiés, lors d'événements organisés par le Département. La Fabrique est ainsi la première marque créée et déposée par une collectivité. Et l’équipe ne souhaite pas s’arrêter là. À travers ce cercle vertueux, l’idée est de sensibiliser un maximum de monde à cette démarche. Tous les matériaux issus de l'événementiel ont encore aujourd’hui une durée de vie trop éphémère. On ne peut plus se permettre de créer puis de jeter. 

Sur les stands de la Fabrique de Provence, des ateliers sont organisés pour sensibiliser les enfants au réemploi. Ils sont encouragés à créer avec les chutes de matériaux pour prendre conscience de la valeur de ces matières. Dans un futur proche,  Meriem souhaiterait organiser des workshops dans les lycées. L’idée est de travailler avec encore plus de matériaux issus de l’événementiel, considérées aujourd’hui comme des déchets. D’ailleurs, pour créer les anses de sacs, l'équipe utilise déjà des ceintures de voiture issues de la récupération. Mais ils comptent pousser le concept encore plus loin en donnant une seconde vie au mobilier ou encore aux panneaux de chantier. 

Alors la prochaine fois que vous aurez des cadeaux à offrir, pensez à cette initiative à la fois écologique et originale, issue de circuits courts !